Comment joindre l'utile à l'agréable

L'utile, c'était de travailler, ce qui pour Kaitz était de prendre des photos récentes pour la nouvelle brochure touristique de la ville. L'agréable, c'était évidemment de flâner sur la promenade, ou mieux, sur la plage pour prendre des photos.

Aujourd'hui, c'était une journée radieuse. Ensoleillée, chaude, mais pas trop humide, un vent de la mer agréable et les vagues étaient bonnes... et les filles très jolies en maillot de bain...

Vêtu de son éternel jeans bleu usé aux endroits stratégiques et d'un t-shirt blanc dont il avait lui-même décousu les manches, il déambule sur la plage, pieds dans l'eau, le bas de son jeans trempé. Il avait déjà photographier amplement de sujets pour faire au moins 5 brochures mais, évidemment, comme tout artiste qui se respecte, il cherchait l'exception, l'image à saisir qui ferait une effet Wow.

Il sourit en voyant une petite famille de 4, les deux enfants et les parents, qui construisent un château de sable. En les voyant aller, Kaitz se demande qui sont les plus enfants, les enfants ou leur père. La mère est assise dans une chaise longue, à l'ombre d'un parasol et les observe de temps en temps, par-dessus ses lunettes. Il les mitraille un moment, puis vient leur montrer les quelques clichés et évidemment la permission pour possiblement les utiliser pour la brochure. Les conjoints se concertent, puis acceptent. Évidemment, il les invite à passer au Splendor Studio s'il désirent acheter quelques uns des clichés, qu'il leur montra plus en détails dans ses installations. Ils acceptent également et le rendez-vous est fixé pour le lendemain. Kaitz leur laisse sa carte et les salue.

Un peu plus loin, une jeune femme, une jolie blonde, se fait bronzer apparemment seule. Il fait ses clichés, de près ou de loin, sous différents angles. Kaitz s'approche et la complimente sur sa façon exceptionnelle de porter le bikini. Elle ouvre les yeux et le dévisage, puis l'ayant détailler des pieds à la tête, elle sourit. Comme à la petite famille, il demande la permission pour peut-être utiliser ces photos pour la brochure, ce qu'elle accepte aussi. Il lui propose aussi de passer au Splendor studio pour choisir ses clichés préférés. Elle accepte également, au moment où Kaitz veut lui demander à quel moment elle est libre, elle lui dit que ça ne pourra pas être avant le lendemain soir, vers 19h et pourquoi pas dîner avant...

Le sourire de la demoiselle est explicite, Kaitz ne peut être confondu. Il ne refuse pas, évidemment, ce serait stupide de refuser une si alléchante proposition. Elle refuse qu'il vienne la chercher, mais ils déterminent un lieu de rencontre. Quelques minutes plus tard, il s'éloigne, l'air satisfait de celui qui vient de faire un bon coup. Il adore son boulot.

Halewyn ne porte jamais de shorts, non pas qu'il est complexé par son apparence, mais plus par question de commodité.Cependant, aujourd'hui, il a laissé sa redingote au vestiaire. Il a une camisole d'un rouge sombre, sobre mais de bonne qualité. Ses bras laissent voir quelques discrètes cicatrices a peine visibles. Les pieds nus d'Halewyn se posent sur le sable chaud, les souliers de celui-ci étant resté dans sa bagnole.

Il vient de revenir de Tokyo et compte bien profiter de la température Casatogaise avant d'avoir à repartir. Cette journée est idéale pour un oiseau de nuit comme lui. Il flâne donc, n'accordant aucune attention aux plaisanciers, évitant sans en avoir l'air les morveux courant partout, les jeunes paons imbus de leur personne et les donzelles en chaleurs qui ne pensent qu'à montrer le plus de peau possible.

Au milieu de sa promenade, il s'arrête, et fixe la mer d'un regard intense, les cheveux ébouriffés par la brise saline, son teint foncé lui donnant l'air d,un vieux loup de mer. Le gris de son regard, la pâleur de sa tignasse et la sombre couleur de ses vêtements rehaussent le bleu de l'océan et du ciel, les rendant surréalistes par le contraste.

Immobile, le nez légèrement en l'air pour s'emplir les poumons de cette odeur iodée, Halewyn contemple l'horizon. Il pense qu'avoir été né au temps des pirates il aurait probablement été un.

Arpenter la plage durant des heures, de long en large, du matin au soir, bavarder avec les touristes, vanter Casatoga, se vanter évidemment et admirer les femmes. La plage de jour et la 24h de nuit, il avait la vie rêvée. Pas trop de responsabilités, la sécurité venant de ses parents, une aisance sociale efficace et une renommée héréditaire à Casatoga et un physique avantageux, vraiment, il n'avait rien à envier à personne.

Il marche vers le Luxus et sa plage privé, question de prendre de superbes images du prestigieux hôtel. Le regard du photographe passe de la mer à la promenade, question de ne rien rater du spectacle, quand soudain son oeil est attiré par une surface rouge sur fond bleu. Sans vraiment y réfléchir, par habitude, par réflexe, ou peu importe, il porte l'objectif devant ses yeux et crible l'homme, seul devant la Mer.

À quoi il pense ? Qu'est-ce qu'il fait ? Ce sont des questions qui passent par la tête de Kaitz, mais le choix de réponse est si vaste qu'il abandonne rapidement l'idée de deviner.

Un petit point jaune s'allume. Merde, la carte mémoire est pleine... par chance, il en a toujours une ou deux de rechange. Rapidement, la carte pleine cède sa place à la carte vide et, glissant la minuscule carte pleine dans sa poche de jeans, il se remet à photographier l'homme à la camisole rouge, tout en cherchant un titre possible à cette image. L'oeil rivé au petit écran, l'air sérieux, il fait son boulot, le plus sérieusement du monde, cherchant l'angle le meilleur, la lumière la plus favorable, le parfait reflet de la mer, le turquoise le plus pur et le plus beau profil du poseur involontaire. Il tourne, d'assez loin, autour de l'homme, utilisant le zoom pour bien saisir le personnage. Il a de la chance, son sujet semble en pleine contemplation de la mer. Excellent pour l'Art.

Perdu dans sa contemplation, Halewyn sent sa nuque se hérisser. Ses prunelles d'aciers quittent la mer pour explorer les environs sans qu'il ne bouge d'un poil.

La mâchoire de l'homme se durcit sous l'effet d'une tension intérieure. Tournant imperceptiblement la tête à gauche et à droite, il trouve la cause de son malaise. Un bouclé prend des clichés de sa pomme. Il réfléchit et il n'y a que deux hypothèses... Quelqu'un veut sa peau. Tout est possible même si personne n'a jamais vu sa tronche lors d'un contrat. Pas même Jim, celui qui négocie à sa place ses conditions de travail.

Ou c'est un connard qui ne sait pas ce qu'il fait. Il lui semble retracer le photographe... Une figure connue de Casatoga s'il se rappelle bien.

Peu importe... Halewyn tourne subitement la tête vers Kaitz. Le regardant droit dans les yeux, la figure aussi expressive qu'un mur de pierre, il attend pour voir ce que le photographe va faire.

Se fiant ce qu'il voyait autant à travers l'écran de son appareil photo que lorsqu'il lève brièvement les yeux, il ne remarque pas immédiatement les changements chez l'homme. D'ailleurs, ils prenait des photos de perspectives, mais lorsqu,il se rapproche pour les gros plans, c'est là qu'il voit bien que le type le regarde. Le réalisant, ainsi que le regard glacial qu'il lui adresse, Kaitz en échappe presque son outil, mais il se ressaisit comme un chef. L'air sérieux et appliqué qu'il affichait jusque là se fend d'un sourire radieux. Hésitant à peine, Kaitz rejoint son modèle inopiné et lui tend la main avec chaleur.

- Bonjour monsieur. Harkaitz Rocstone, du Splendor Studio. Je prépare la nouvelle brochure touristique de Casatoga et vous avez attirer mon oeil artistique. Je ne crois pas me servir de ces photos pour la brochure, mais comme souvenirs de voyages, elles feraient des merveilles. Kaitz sourit, puis enchaîne rapidement. Avec un peu plus d'ombre, je pourrais vous montrer sommairement le... il suspend sa phrase, juste le temps d'accrocher son regard sur une superbe rousse qu'il détaille de la tête au pieds et lui adresse un sourire ravageur. Elle lui répond d'une oeillade significative, puis il reprend le fil e la conversation. ...le résultat, mais l'idéal serait que vous passiez au Splendor Studio pour les voir à l'écran...

La poignée de main d'Halewyn manque broyer les doigts d'Harkaitz. C'est une poignée de main de pure politesse, à la violence à peine retenue. Le regard gris est aussi glacial qu'une banquise.

Bonjour monsieur. Harkaitz Rocstone, du Splendor Studio. Je prépare la nouvelle brochure touristique de Casatoga et vous avez attirer mon oeil artistique. Je ne crois pas me servir de ces photos pour la brochure, mais comme souvenirs de voyages, elles feraient des merveilles. Kaitz sourit, puis enchaîne rapidement. Avec un peu plus d'ombre, je pourrais vous montrer sommairement le... le résultat, mais l'idéal serait que vous passiez au Splendor Studio pour les voir à l'écran...

Halewyn a très bien remarqué le regard de Kaitz sur la rousse qui passe... Ca lui donne une idée. D'abord évaluer la cible avant de frapper. Mais il y a une faiblesse flagrante ici à exploiter. La voix rauque et basse de l'homme répond tandis qu'il se compose une mine un minimum intéressée.

Je suis Halewyn.. J'ai pas l'habitude qu'on me prenne en photo... A vrai dire on me massacre toujours le portrait mec. Je suis curieux de voir ce que tu es capable de faire. Et j'espère que tu me foutra pas ca sur une brochure ni aucun document public... Sincèrement.

Un ton étrange... Ca ne sonne pas comme une menace pourtant... mais presque.

Alors? Je veux voir...

La poignée de main lui donne une impression étrange, il a un froncement de sourcil douloureux, rapidement réprimé, sous la force de la poigne. Mais Harkaitz Rocstone n'était pas du genre à se soucier de détails du genre. La logique de l'explication étant que, au vu du gabarit du type devant lui, il était probablement plus fort que la moyenne. Dans son métier, on serrait la main de gens de toutes sortes. C'est donc pour cette raison que le sourire rayonnant réapparut aussitôt, juxtaposé à un sourire complice.

- Les modèles sont toujours plus sévères envers eux-même que le photographe et même le reste de la population. Ma sphère de prédilection étant les porte-folios pour les agences de mannequin ou les particuliers, j'en connais un rayon à ce sujet. Sans vouloir me vanter, je n'ai jamais déçu personne, dit-il avec un sourire visiblement très fier. Il ajoute, d'un ton qui se veut rassurant. Je ne crois pas utiliser ces clichés pour un quelconque projet publique, mais en tant qu'artiste, je ne peux me permettre de laisser filer une telle image. Il hoche la tête d'un air entendu. Ma clientèle étant souvent très particulière, je ne publie aucune photos sans une signature en bonne et due forme, professionnalisme exige. Mon emploi repose sur la confiance de mes clients.

Il tourne la tête vers la plage et semble chercher quelque chose.

- Si nous pouvions trouver un petit coin d'ombre, je pourrais vous montrer tout ça sommairement. Où si vous préférez passer plus tard au Splendor Studio. Il est évident que les images seraient beaucoup plus claires et précises au studio. Nous pourrions prendre rendez-vous plus tard ce soir ou demain, selon vos disponibilités. Que préférez-vous ? demande-t-il en lui tendant sa carte.

je ne publie aucune photos sans une signature en bonne et due forme, professionnalisme exige. Mon emploi repose sur la confiance de mes clients.

Et mon emploi repose sur l'absence de traces...

Pense Halewyn en se composant une mine de plus en plus intéressée...

Nous pourrions prendre rendez-vous plus tard ce soir ou demain, selon vos disponibilités. Que préférez-vous ?

L'assassin prend la carte et l'examine rapidement. Oui, il sait à peu près où c'est. Il faut agir avec délicatesse cependant. Ne pas, surtout pas, se presser. Il ne le détrompe pas sur son statut de vacancier, ca va lui servir.

Ce soir ca sera parfait... Je peux emmener quelqu'un?

De sa poche arrière, Kaitz sort un petit agenda électronique et un pianote quelques instants avant de revenir à son interlocuteur avec un grand sourire.

- Vers 19h30, si ça vous convient, j'aurais plus de temps pour vous concocter ce qu'il y a de mieux, sans être pressé par le temps. C'est bien évident que vous pouvez être accompagné, on peut être si mauvais juge de nous-même. Un autre avis est souvent aidant. Et c'est souvent plus facile pour moi, avoue-t-il en rigolant, la ton moqueur. Vous êtes monsieur ?

Le bidule électronique retourne dans sa poche arrière de jeans. Ses notes semblent assez compréhensibles pour lui-même. De toute façon, il avait une assez bonne mémoire visuelle, l'artiste en lui oblige.

Vous êtes monsieur ?

Le cellulaire d'Halewyn sonne à ce moment précis. Avec un petit geste d'excuse, il répond, écoute attentivement une minute ou deux puis dis juste un oui neutre avant de raccrocher.

Je serai là ce soir à l'heure dite. Maintenant faut que j'y aille, je suis en retard et les retards c'est mortel. Si j,ai un empêchement je t'appellerai.

Une dernière poignée de main, identique de la part d'Halewyn, puis l'assassin s'éclipse en direction des stationnements.

Rendu dans son auto, un bolide agonisant piqueté de rouille, Halewyn ressort son cellulaire. Bien à l'abris dans son automobile les vitres remontées, il compose le numéro de Jim, son contact.

Le phoenix noir, toujours en service... Wais... J'ai besoin de savoir ce que tu peux sur un certain Harkaitz Rocstone... oui le photographe.... Non... J'men branle... Les trucs habituels... Pas de tes oignons... Ouais tarif standard... Pas avant une semaine j'ai deux trois trucs ici à régler avant... On s'en reparle...

Il ferme la communication, efface soigneusement la mémoire de l'appareil avant de quitter la plage.