Ruelle donnant sur la Place des Abbesses

Samuelle écrivait de droite à gauche et de haut en bas, selon un alphabet et un code qui lui était propre… Elle avait commencé cette preuve il y avait près d’un an, en petit, sur un mur aveugle d’une ruelle… Elle utilisait de petits crayons cireux toute surface cheap fabriqués en chine… Il était virtuellement impossible de les effacer, surtout sur une surface poreuse comme de la brique…

Le raisonnement mathématique faisait actuellement 20’ de large et dépassait largement la hauteur d’une personne… Même quand la personne fait la taille de Samuelle… Mais Sam avait bien choisi sa ruelle… Un escalier de secours en métal lui servait d’escabeau.

La moto garée, Hess au pied, Lareless se dirige rapidement vers la ruelle nommée. Les mains dans son blouson, sombre, la jeune femme s'y engage sans hésiter.

Lareless sait très bien se défendre seule. Ajoutez à ca un immense chien aussi grand qu'un poney et vous comprendrez pourquoi elle n'est pas craintive.

Mais Hess commence à frétiller, à baver allègrement partout. Son oeil cuivré s'allume, sa langue semble allonger d'un bon 5 centimètres. Gémissant, il se tortille en regardant sa maitresse d'un oeil suppliant.

Lareless sourit, il n'y a qu'une personne capable de le mettre dans cet état. D'un geste, elle le ramène au pied et continu son avancée. Bientôt, les premiers signes d'un délire pur lui saute aux yeux. Elle sourit, les deux indices concordent. La voix rauque et chaude s'élève dans l'air passablement vicié de la ruelle.

Dis moi Muelle... C'est de la craie que tu utilise? Oh et Hess aimerait te dire bonjour...

Samuelle reconnu la voix à ses intonations, prêtant peu attention à son discours… Lareless était en bas... Aucune émotion n’altéra ses traits. Elle termina son calcul posément, prit un instant pour se relire, et rangea son crayon dans la doublure de sa veste.

Là haut, avec peu de geste, une haute silhouette se déploie et se penche par-dessus
la rampe de métal… Dans l’ombre de la ruelle, il est impossible de distinguer ses traits. Le calme de la vandale transpire de tous ses gestes alors qu’elle descend de son perchoir, nullement inquiète par la présence de ce membre de l’ordre. Samuelle enjamba le dernier palier et se laissa pendre dans le vide, se retenant par les mains…

«Tu retiens ton chien, s’il te plait? » demanda-t-elle avec une
politesse qui ne lui ressemblait pas…

Samuelle portait toujours sa vieille veste de cuir, des jeans qui avaient beaucoup d’usage et des espadrilles cheap, en toile, plein de trou, dont la semelle était mince comme une feuille de papier. Elle était inhabituellement ébourifée, son t-shirt ne semblait pas de première fraicheur... Le chien contraint de rester au pied, Sam se laissa tomber devant sa meilleure ennemie. Elle la dévisagea froidement et mu par une impulsion subite, lui tendit ses crayons : « L’arme du
crime? »

Lareless regarde les crayons tendus, retenant un Hess frétillant d'une poigne de fer par le collier. De sa main de libre, elle prend les crayons de cire et les examine d'un air incrédule.

Ca doit t'avoir coûté un max ton délire non? Je ne crois pas que du vandalisme à la craie soit répréhensible...

quel délire?Répons Samuelle en plissant les yeux, les réduisant à deux minces fentes en croissant de lune.

Lareless laisse tomber sa main. Le chien attiré par l'odeur des crayons, les engouffre en un quart de seconde. Il se couche en les mâchouillant allègrement, grognant et bavant de plaisir.

La jeune femme regarde Muelle dans les yeux, un petit sourire en coin.

Oui en effet... Quel délire? La craie sur les murs n'est répréhensible par aucun article de loi... Alors qu'est ce que tu deviens?

« T’aurais pu éviter de les donner à boulotter à ton monstre, tu sais? » reprocha la jeune femme. Samuelle semblait mal à l’aise, bien qu’elle n’ait jamais été véritablement chaleureuse avec Less… Elle empocha les mains dans sa veste et haussa les épaules, s’épargnant la peine de répondre à une question dans une attitude toute digne d’elle.

« Je suis désolée pour Lucius… » lâcha-t-elle en sautant d’un sujet à l’autre avant de demander « T’es ici pour longtemps? » Et sans crier gare, elle tourna les talons et quitta la ruelle d'un pas tranquille « Faudra qu'on se voit que tu me payes une bière... »

« T’aurais pu éviter de les donner à boulotter à ton monstre, tu sais? »

Ca aurait gâché tout le plaisir de la chose.

Lui répond Less sans se démonter. La réponse de Muelle, hors de propos lui fait cependant l'effet d'un coup de poing en pleine figure. Le temp qu'elle se ressaisisse, Muelle est partie avec une invitation à prendre une bière.

Pensive, Lareless regarde par où la jeune femme est partie, réfléchissant intensément. Elle vient pour suivre le même chemin quand une furie armée d'un rouleau à pâtisserie l'assaille en hurlant des imprécations. Il faut toute la diplomatie de Lareless, montrer sa plaque ainsi qu'un grognement bien senti de Hess pour faire retraiter la harpie sur une dernière insulte disant qu'elle ira se plaindre au commissaire lui même.

La sergent caresse la tête de son gros chien tout en retournant à la rue.

Hé ben... ca démarre en lion ici. Pourquoi j'ai l'impression que je ne m'ennuyerai pas? Viens, on va chercher la bouffe et on va se taper le commissaire.