Brocante Daee

Une façade étriquée, à peine plus large que la porte. Deux marches de pierre bancales, une porte de bois antique dont la peinture s'est écaillé près de la poignée. Dans la fenêtre de la porte, peint en lettre dorée, le mot "Daee". Par les beaux jours d'été, parfois, une chaise de bois fait son apparition sur le trottoir...

La boutique est tout en long, il s'y entasse des objets éclectiques du planché au plafond. Ce n'est pas une boutique d'antiquité huppée, mais bien une brocante poussiéreuse. Son propriétaire connaît l'histoire de chaque pièce de marchandise. Le propriétaire s'appèle Pierre Daee, c'est un excentrique tout aussi susceptible de refuser de vous vendre pour un oui ou pour un non, que d'enfoncer qqchose dans vos poches avec un clin d’œil complice.

Le soir tombe doucement, Lareless a laissé son chien à la maison et a changé de moto.

Une magnifique japonaise sport(voir liens dans fiche de perso) d'un gris métallisé file sous la lumière des réverbères. La jeune femme se gare devant la brocante. Avant de couper le contact, Less regarde un moment à L'intérieur du magasin. Elle n'est jamais entrée là-dedans.

Elle époussette son blouson moulant neuf, elle laisse le casque sous le siège avant de verrouiller l'engin. Elle se dirige d'un bon pas vers la porte qu'elle ouvre tranquillement, comme entrant dans un sanctuaire. Elle entre, regarde autour d'elle ces objets disparates recelant quelques trésors... Ses yeux s'allument d'intérêt devant une armoire chinoise qui a l'air ancienne.

Oubliant presque la raison de sa venue, elle s'y dirige avant de passer une légère main gantée de cuir sur la surface laquée.

Ce n’est pas une clochette qui teinta lorsque la jeune femme passa la porte, c’est tout un carillon éolien qui fut secoué : une fanfare dégringolant un escalier en colimaçon. Pourtant, le vacarme n’attira personne… À première vue.

La pièce était trop sombre, mal éclairée, la pâle lumière du jour arrivant péniblement à raverser la crasse de la vitrine. La jeune femme vit un chat, un gros matou, juché sur le comptoir, tranquille, qui l’observait avec méfiance comme s’il était le gardien des lieux.

« Prendrez-vous le risque de l’ouvrir? » demanda une voix d’asthmatique derrière elle. « Je me souviens d'une jeune femme qui l'a bien regretté... »

Less ne sursaute pas. Au contraire, elle sourit doucement.

Je n'ai aucune raison de l'ouvrir... J'admire ce meuble, la délicatesse de l'ouvrage et la bonne facture. L'art oriental, par la délicatesse de ses courbes m'a toujours attirée... Je ne parle pas de ces dessins grossiers pour les touristes, mais l'art délicat et soigné.

Elle passe un doigt dur le visage d'un dragon, suit les courbes sinueuses d'un doigt rêveur.

Il me semble qu'il y a tellement plus dans ces pures oeuvres d'art qu'ils ne veulent le montrer...

Elle se reprend, sur une dernière caresse au meuble, elle le lâche comme à regret avant de se tourner vers le tenancier de la brocante. Elle lui dit gentiment, légèrement embarassée.

Mais je ne suis pas venue pour regarder les meubles. Je voulais parler à M.Daae.

L’homme qui lui fait face est un métis. Un homme fluet et âgé, dans la
60taine, moins pur que Samuelle, mais indéniablement un Daee. L’homme a
les cheveux gris, court et frisotté, son nez possède l’angle typique de
sa race, supportant de petite lunette de presbyte. Il porte des
vêtements qui ont beaucoup d’usage. Pantalon à bretelle, chemise de
fine flanelle grise, et on aperçoit par le col une camisole de laine
blanche.

L’attitude du vieil homme donne une impression de
déjà vu. Il sourit à la jeune femme sans exagération, la regardant
par-dessus la monture de ses lunettes.

« Voilà qui est la voix de la sagesse… Pandore l’était moins que vous! »
fit-il comme s’il confondait boite et armoire. Il resta ensuite planté
devant elle, sans s’identifier, sans lui libérer le passage, les mains
dans les poches.

Pandore?

Less fronce légèrement les sourcils. Il est bizarre le bonhomme. Elle le détaille avec une conscience toute professionnelle. Elle a toujours eu un bon sens de l'observation. Aussi ne prend elle pas beaucoup de temp à identifier l'oncle en question. Les mains dans les poches est aussi très révélateur. Elle a un bon grand sourire franc qui éclaire son sombre visage. Elle dit franchement, n'ayant rien à cacher et ne croyant réellement pas à la mort de Samuelle. Elle L'a vu le matin même et il est impensable qu'elle se noie.

Nous sommes tous des Pandore en puissance. Il y en a seulement qui le sont un peu plus que d'autres...*elle passe proche de tendre la main, mais sa connaissance des moeurs Daae la fait hésiter puis renoncer* Je me présente Lareless Mainella, une amie de Muelle même si elle ne me qualifierait que de meilleure ennemie... Je viens de revenir en ville et je m'inquiète du manque de nouvelle que j'ai d'elle.

L’expression du vieil homme se voila de tristesse bien qu’il ait suivit, un instant plus tôt, le mouvement hésitant de la jeune femme avec un amusement manifeste.

« Oh, pauvre jeune fille » la plaignit-il… « Vous avez là la main sur une boite qui porte en son cœur un mal autrement plus douloureux… » fit-il d’une voix douce… Le vieil homme sembla prêt à dire quelque chose puis se ravisa. L’une de ses mains quitta ses poches et vint se poser sur le bras de la jeune femme dans un geste de réconfort… « Venez donc prendre le thé avec moi… »

Raflant le chat sur le comptoir, le vieil homme la précéda dans l’arrière boutique. Il lui indiqua un siège, et lorsqu’elle se fut assise, lui posa le chat sur les genoux avant de la munir d’une tasse de fine porcelaine. Il lui versa une demi-tasse et s’installa près d’elle, une gouge à la main. « Samuelle était ma nièce favorite… » lui déclara-t-il en lui pointant un portrait sur le mur… La photo, en noir et blanc, montrait un homme dans la force de l’âge, retenant de toute sa force une enfant, pliée sur son bras et se tortillant pour échapper à sa prise. Il était impossible d’identifier Samuelle et pourtant un je-ne-sais-quoi donnait à penser que ce ne pouvait être qu’elle. Pendant que Less observait la photo, l’oncle de Muelle avait tiré à lui une pièce de bois dont il entreprit de raffiner les formes. « J’ai été très content de la voir venir s’installer chez moi… » poursuivit-il en attendant que Less ait prit une gorgée de thé… « Mais je suis au regret de vous dire que ma nièce est décédée… »

Le bruit de la porcelaine s'entrechoquant, suivit du feulement d'un chat courroucé et mouillé de thé chaud décampant à toute vitesse de sur els genoux de Less indiquent clairement que la jeune femme a parfaitement saisit ce que l'oncle raconte. Silencieuse et pâle, La sergent pose sa tasse sur ses genoux.

Elle pense à toute vitesse, écartant derechefs diverses hypothèses pour en poser d'autres... Elle ne trouve rien a dire. C'est fou... Elle L'a vu ce matin même et Hess lui a fait fête comme d'habitude. Elle pose la seule question qui lui vient a l'esprit d'un ton pressant. Elle veut être sûre qu'elle n'est pas folle, qu'il reste une lueur d'espoir pour sa lucidité.

Vous êtes sur que c'est bien elle?

Les Daee sont d’un naturel froid et calculateur… Tonton Paul l’était moins que la plupart… Il savait ce qu’il allait avoir à dire, il l’avait déjà répété tant de fois aux autres, et il se doutait de la façon dont ses propos serait reçus. C’était une amie de Samuelle? Peut-être… C’est pourquoi il lui avait mit le chat sur les genoux…

Il fixa Less par-dessus ses petites lunettes, accrochant bien son regard. « Je suis désolé… Plus que vous ne puissiez l’imaginer… Mais je n’ai rien d’autre à vous dire… Samuelle est décédée il y a 2 ans en octobre. Je l’ai identifié moi-même. C’est la version officielle. Elle est en paix maintenant… » déclara-t-il posément avec un sourire triste et compatissant.

Le vieil homme laissa à son hôte le temps de bien assimiler ce qu’il avait dit, puis il lui proposa : « Ce n’est pas vraiment une chambre parce que Sam dormait toujours en bas sur le divan de la boutique… Mais le grenier était l’endroit que ma nièce s’était choisi pour elle-même… » expliqua-t-il. « Samuelle aimait se composer de petites réserves, ça et là… Allez-y, je vous y invite… Si vous le désirez, vous pouvez emporter qqchose… un souvenir… »proposa-t-il avec sollicitude… « Vous n’avez qu’à monter jusqu’en haut et à pousser la trappe… »

Le c'est la version officielle et le elle est en paix maintenant laisse un goût amer dans la gorge de la jeune femme. Elle s'attend encore à ce que Samuelle lui apparaisse en sautant comme un diable hors de sa boite en lui criant poisson d'Avril!

Mais le vieil homme semble tellement triste et sérieux qu'elle n'a pas le choix que d'admettre qu'il croit vraiment que Muelle est morte. Il y a trop d'incohérences dans cette histoire. Less repose sa tasse et se pince les yeux avec force. Dans quel foutoir a t elle bien pu se mettre?


Samuelle aimait se composer de petites réserves, ça et là… Allez-y, je vous y invite… Si vous le désirez, vous pouvez emporter qqchose… un souvenir… Vous n’avez qu’à monter jusqu’en haut et à pousser la trappe…

Elle se lève, se sentant étourdie, comme sous un choc violent. Elle dit à l'oncle d'un ton absent. la gorge serrée.

Merci... J'essayerai de ne pas être longue.

Elle suit le chemin indiqué puis se retrouve dans le grenier qu'elle parcoure d'un oeil critique en se demandant où commencer pour avoir un indice.

En poussant la trappe du grenier, Less fait irruption dans le plancher… Les lattes de vieux pins jaune sont exemptes de poussières ou de saleté comme si elles étaient balayée régulièrement… Cependant un amoncellement de vaisselle trône près de la trappe, comme si on s’apprêtait à les redescendre à la cuisine. Du premier coup d’œil, la jeune femme reconnais l’ordre excentrique de Samuelle… Des détails qui figuraient également dans le hangar à bateau qu’elle avait visité jadis.

Partout sont empilés des livres à même le sol… Au travers, des feuilles éparses et tout un capharnaüm d’objets hétéroclites, y compris une chaloupe en construction. Un peu partout, Less aperçoit des copeaux de papier. Une observation pour attentive lui permet de reconnaître leur provenance : des crayons de cire tel que Hess en a dévoré ce matin…

Tel que l’avait annoncé l’oncle de Samuelle, il ne s’agit pas vraiment d’une chambre, mais plutôt d’une réserve… Le seul élément vraiment personnel est une armoire usuelle et débordant de vêtement et juste à côté, une patère à laquelle est accrochée une vieille veste de cuir fatigué de coupe aviateur.

Less observe attentitvement chaque recoin de la réserve. Pour elle, ca lui semble habité. Mais qui sait peut être l'oncle est-il maniaque.

Cependant, déformation professionnelle oblige, elle ne néglige rien. Ca lui prend une bonne heure, mais l'endroit est passé au peigne fin, chaque objet examiné et reposé à sa place exacte.

Allant pour redescendre, la jeune femme voit la vieille veste d'aviateur posé sur une patère. S'en approchant, comme hypnotisée, elle ne prend pas garde aux combles. Elle se frappe alors le front violemment. En voyant des étoiles, elle tend la main et , à tâtons, elle aggrippe le manteau.

Reculant, elle l'examine. Un gros cuir brun, craqué par endroit avec d'immenses et immondes revers en tapis. Par curiosité elle enlève son propre blouson de cuir et l'enfile. Un peu large aux épaules et un peu étroit aux hanches... C'est bien à Muelle, elle reconnaitrait cette horreur n'importe où. Ca et le fait qu'il y ait une foule de bonbons, des crayons comme ceux de ce matin, de la menue monnaie et une chaussette le confirment. Surtout la chaussette, Pense t elle en souriant avant de la remettre dans la poche.

Elle referme soigneusement les poches, enlève le manteau et remet le sien. Redescendant, elle va rejoindre l'oncle pour lui dire au revoir et le remercier de son temp.

Vous pouvez m'appeler quand vous voulez.

Dit elle en lui tendant son numéro de téléphone personnel